Accueil du site > Clés de Communication > L’humour : efficacité et danger > Lire le développement du résumé

L’humour : efficacité et dangers

Francis Blanche et Pierre Dac dans le fameux sketch du « fakir voyant » :
 
-  F.B. : « Comment voyez-vous l’avenir de cette personne et que lui conseillez-vous ? »
-  P.D. :« Je voix l’avenir de cette personne devant elle, mais si elle se retourne, elle l’aura dans le dos. Dans cette situation, je lui conseille de ne pas se baisser »

Excusez moi, j’ai de la fuite dans mes idées… mais comment ne pas reconnaître une telle efficacité ! Bon, c’est vrai, je suis d’accord avec moi, cela ne fait peut-être pas rire tout le monde. Certains peuvent même y trouver de la vulgarité.

Par cet exemple, nous constatons que l’humour n’est pas universel. Son acceptation et donc son efficacité dépendent de la situation et de la façon dont il est exprimé, de la complicité du « public » ou d’une culture commune. L’humour est donc toujours risqué et dangereux s’il est inapproprié au contexte. J’en accepte ici le risque…

Mais en quoi l’humour peut-il être utile dans une situation de management ? Est-ce vraiment indispensable de lui consacrer un chapitre pour ouvrir un coin du rideau sur les coulisses de la communication ?

En 2006, la médecine du travail a recensé à la centrale nucléaire de Chinon 12 personnes en état de sub-dépression, et 4 suicides en 2 ans, sur 25 postes à haute responsabilité technique. Rien à voir avec la période précédente. Depuis 2 ans, une note de service avait interdit le droit de « blaguer » pendant le travail. Cela pouvait nuire à la concentration sur les gestes et les décisions dans un domaine où personne n’a le droit à l’erreur. Les personnes les plus exposées à des troubles psychologiques étaient les plus impliquées dans la conscience de leur responsabilité vitale vis-à-vis de la population. Que tirer de cet exemple ?

L’humour permet le recul et le détachement sur l’enjeu. Plus l’action est vitale, plus le détachement est nécessaire. Sans ce recul et ce détachement, le stress prend le dessus sur la lucidité, individuelle et collective. L’enjeu n’est plus réfléchi et devient émotionnel. Il n’est alors plus contrôlable collectivement car le stress est contagieux. Heureusement, l’humour et le détachement le sont aussi ! Pour notre sécurité, j’espère que l’on rit de nouveau beaucoup dans les centrales nucléaires. On rit aussi beaucoup dans les salles de gardes des hôpitaux. Ce n’est pas par hasard ! Là aussi l’enjeu est vital !

L’humour est donc nécessaire pour garder la lucidité et l’efficacité d’une équipe. D’autant plus que l’exigence professionnelle est élevée. Ceci dit, bien que l’humour soit le propre de l’Homme, nous ne sommes pas toujours drôle… et moi le premier comme vous pouvez le constater.

Heureusement, nous avons tous de l’humour… mais il tombe parfois à plat ! Dans le doute il vaut mieux s’abstenir ! Il peut être source de malentendu. Nous avons tous un code d’humour différent. Il est nourri par son histoire de vie, sa culture, ses références personnelles. Nos meilleur(e)s ami(e)s ont très souvent un code d’humour proche du notre. C’est peut-être d’ailleurs le plus fort dénominateur commun de la complicité amicale.

Une équipe, une entreprise, développe aussi ses codes communs. Vous l’avez sans doute constaté en changeant d’entreprise. Par expérience, c’est un signe de bonne santé des relations humaines. A condition que les codes soient rassembleurs (vis-à-vis des clients, des fournisseurs, des partenaires, des autres services, de la direction, de la comptabilité, des opérationnels) et non diviseurs (surtout vis-à-vis d’une seule personne). Là est le danger. On passe vite de la causticité complice et référentielle du groupe à l’acidité dénigrante vis-à-vis d’un autre groupe. Les responsables d’équipe doivent être les garants de ces dérives possibles… on ne plaisante pas avec l’humour !

Nous sommes donc sur un sujet délicat ! En croyant faire de l’humour, nous risquons de blesser les personnes ou de se retrouver isolé dans un vide sidéral… L’humour se travaille plus qu’il ne s’improvise. Même Colluche apprenait ses textes par cœur et s’en resservait par bout dans ses interventions improvisées. Pierre Desproges riait de tout mais pas avec n’importe qui. Jean-Marie Bigard annonce toujours sa vulgarité pour ne pas être vulgaire lui-même.

Grâce à ce travail personnel pour traduire leurs propres codes en codes communs, avec la conscience des circonstances et de l’auditoire, avec cette création de complicité et de recul avec chaque personne, ces trois humoristes peuvent tout se permettre avec une efficacité redoutable sur les messages qu’ils font passer.

Sur ces bases, nous pouvons tous nous améliorer pour faire passer des messages individuels ou collectifs et gagner en efficacité. Il suffit de considérer comme ces humoristes que l’humour est synonyme d’humilité et que le travail porte plus sur la façon d’être que sur une technique mécanique.

Dans cet exercice de travail ludique, contrairement à la communication classique, le ton prend autant d’importance que le corps. Les techniques d’atelier théâtre, appuyées sur la personnalité humoristique de chacun(e), sont un formidable outil pour encore progresser dans ce domaine joyeux !


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette